Rencontre avec Alexis Jenni
… et Boris Tavernier
crédit Denis Svartz
Femmes d’ici, Cuisines d’ailleurs Trésors culinaires familiaux
Alexis Jenni, Albin Michel
Recette tirée du livre : La dolma de SONDES, une recette irakienne
Alexis Jenni, auteur de l’ouvrage est titulaire du Prix Goncourt 2011
Ce livre est un collectif réalisé sous la direction de Boris Tavernier, Fondateur de l’association VRAC
Avec une préface de Grégory Cuilleron
Bonjour Alexis Jenni, bonjour Boris Tavernier, eau plate ou eau gazeuse ?
Alexis Jenni : Eau plate, parce que c’est quand même la boisson naturelle de l’humanité. Sinon parfois un peu d’eau gazeuse dans les grandes occasions, par politesse.
Boris Tavernier : Bonjour. Plutôt eau plate.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
Alexis Jenni : Là maintenant ? Une côte de bœuf à la parilla…
Boris Tavernier : « melanzane alla parmigiana »
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Alexis Jenni : J’avais horreur des biftecks qu’on me forçait à manger enfant, je n’aime pas particulièrement la viande, et puis j’ai découvert que si c’était très bien choisi et très bien cuit, et ça pouvait être merveilleux. Mais c’est une fête, rare.
Boris Tavernier : Non, je l’ai découvert en Italie il y a quelques années.
Quel est votre parcours culinaire ?
Alexis Jenni : Les merveilles de mamie, les horreurs de la cantine, et puis la découverte des cuisines d’ailleurs…
Boris Tavernier : Je travaille depuis une quinzaine d’année dans la Bio, les circuits-courts, l’alimentation durable. Mon parcours professionnel a effectivement une forte influence sur ma consommation, même si je m’autorise parfois quelques écarts. Je vis très bien avec mes contradictions !
A-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?
Alexis Jenni : Du coup j’adore goûter, essayer, reconstituer pour faire moi-même…toute un aventure.
Boris Tavernier : Mes parents ont toujours cuisiné de bons petits plats, surtout mon père d’ailleurs. Mais j’ai réellement évolué dans mon rapport à la cuisine en ouvrant un bar/plat du jour à Lyon en 2004.
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
Alexis Jenni : La tortilla de sauterelles sur le marché de Tepoztlan… un copain mexicain avait demandé en rigolant à une cuisinière de rue d’en faire rien que pour moi, le gringo ignorant… c’est la première bouchée qui impressionne… et puis après, c’est comme de la petite friture…
Boris Tavernier : La Dolma de Sondes que vous retrouvez dans le livre « Femmes d’ici, Cuisines d’ailleurs », une réelle découverte, un plaisir incommensurable de voyager en Orient à travers ces petits légumes merveilleusement farcis…
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?
Alexis Jenni : Le riz sans doute. On en mange partout de toutes les façons possibles. Heureusement, on ne s’en lasse pas.
Boris Tavernier : Peut-on considérer le café comme un aliment ? En matière de mobilité, c’est lui qui m’aide à me lever le matin.
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
Alexis Jenni : Le pain. Dans un restaurant asiatique ma main tapote vaguement la table à côté de mon assiette, cherchant machinalement quelque chose qu’elle ne trouve pas : tout mon corps est conditionné à manger du pain.
Boris Tavernier : Etant originaire du Pas de Calais, je serais extrêmement malheureux sans pommes de terre.
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
Alexis Jenni : Le Comptoir, en bas de chez moi à Paris, où la cheffe italienne est d’une créativité ébouriffante. Et puis le Johnnys Kitchen à Lyon, pub irlandais où j’ai mangé les plus grosses frites du monde.
Boris Tavernier : On peut j’ai un large carnet d’adresse qui s’adapte à toutes les envies et à tous les régimes alimentaires. Je citerai bien volontiers le 5 Mains de mon ami Grégory Cuilleron à Lyon.
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?
Alexis Jenni : Le salé, tarte à l’oignon et aux noix, du Bugey où j’ai passé mon enfance : pâte à pizza, broyat de noix (à l’origine, résidus des tonneaux d’huile de noix), oignons émincés. On n’en trouve que là bas, et quand j’y vais, je m’en goinfre.
Boris Tavernier : Ce serait un plat d’hiver bien de chez moi, la carbonade flamande, un boeuf mijotant quelques heures dans la bière, plat dans lequel on incorpore du pain d’épices légèrement moutardé…
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble »
Alexis Jenni : « La solitude ne convient qu’à Dieu », dit un proverbe turc. Nous sommes des êtres sociaux, condamnés pour notre bonheur à vivre avec d’autres, pas moyen de faire autrement, sinon nous ne serions rien.
Boris Tavernier : Je reprendrai cette citation d’Albert Jacquard : «Nous devons apprendre aux enfants à vivre ensemble, dans un milieu sans compétition. C’est à travers la rencontre de l’autre que nous nous formons. Sinon, nous ne sommes qu’un vulgaire tas de protons et de neutrons.»