9 Sep 2016
Valentine Tibère
101 chocolats à découvrir, Dunod 2014
Bonjour Valentine Tibère, eau plate ou eau gazeuse ?
Eau gazeuse, les bulles sont l’esprit de l’eau, du champagne -mais aussi et bien avant ces boissons- celui du chocolat des rois mayas qui se devait d’être recouvert d’une savoureuse écume.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
Au Mexique, j’ai appris à apprécier le « cebiche », cette salade de poissons crus aux saveurs iodées et épicées. Tout ce que j’aime, la fraîcheur de la mer et la chaleur des aromates !
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Non, c’est pour moi une découverte culinaire qui a marqué un tournant dans ma vie, celle de ma rencontre avec l’Amérique latine et le monde fascinant des mythes mésoaméricains de la création et du chocolat. Le glyphe exprimant les mots « cacao « et « chocolat » est un double poisson. C’est Vicente Gutierrez Cacep, l’un de mes amis, producteur de cacao au Tabasco , qui l’a identifié. Il s’agit du « curucuco », un poisson chat énorme et bavard !
Quel est votre parcours culinaire ?
Ma mère et ma grand-mère faisaient de chaque repas un moment particulier. Elles cuisinaient des recettes de leur terroir lyonnais, et des entremets tous les vendredis soirs, qui annonçaient le gâteau attendu du dimanche. J’ai donc pris la suite en cuisinant pour ma famille et mes amis. Pour le chocolat, je l’ai toujours aimé plus que de raison. Paradoxalement, j’aime surtout imaginer des recettes salées autour du chocolat.
A-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?
Mon métier de chocolatologue m’a beaucoup appris au niveau de la dégustation. Il m’a rendu très sévère envers les substituts de synthèse qui entrent dans la composition de tant de recettes industrielles, dans le chocolat comme dans n’importe quel mets. L’arôme vanille dans les îles flottantes me gâche tout mon plaisir. Le même arôme dans une tablette de chocolat me fait l’impression d’un parfum frelaté ! J’ai appris à humer les aliments avant de les consommer et je repère un bon restaurant aux odeurs qui s’échappent des cuisines.
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
Je me souviens encore du premier jour où j’ai dégusté une fève de cacao « nacional arriba ». C’est une variété native d’Équateur qui était en voie de disparition à la fin du XXe siècle. L’un des premiers à s’y être intéressé est André Deberdt, fondateur de Kaoka et des premières tablettes bio-équitables. Je l‘ai rencontré, il y a une petite vingtaine d’années au Salon du chocolat. Il tenait, comme un trésor, un petit sac des ces fèves, juste fermentées et séchées. Elles avaient un parfum et une saveur ineffables de rose et de fleur d’oranger…
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?
Cet aliment c’est bien sûr le chocolat. Il se consomme à tout âge, en toutes circonstances, au quotidien comme dans les moments de fête. Il finit actuellement de conquérir la planète en rentrant dans les foyers chinois qui vont très certainement le naturaliser en l’adaptant à leur patrimoine culinaire. Voilà des découvertes aromatiques en perspective.
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
Je consomme du chocolat en tablette tous les jours, alors un an sans chocolat, je n’ose même pas l‘envisager ! je suis capable de parcourir une ville à pied pour trouver un petit morceau de chocolat !
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
Un restaurant un peu lointain, mais juste fabuleux tant au niveau de la présentation que de l’éventail des saveurs : Corazon de Magey, à Mexico, quartier de Coyocan. On y sert même en guise de digestif un chocolat traditionnel à l’eau recouvert d’une mousse de fines bulles.
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?
Une recette salée au chocolat, cela vans sans dire, même une simple tartine d’apéritif avec du fromage de chèvre du miel , des herbes aromatiques et des éclats de cacao grillés et encore tièdes !
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble »
Chocolat rime avec partage et échange, aussi bien avec votre voisin qu’avec un producteur de cacao du bout du monde. Il vous apprend la tolérance, tant ses critères d’appréciation diffèrent, même en Europe. Mais la passion du cacao est identique partout dans le monde !
8 Sep 2016
Élisabeth Scotto
L’huile d’olive, l’or de la Provence, Chêne 2012
« …Le tofu, qui a si mauvaise réputation ! On le dit sans goût, fade, sans intérêt… »
Deux mots sur cette peau de tofu : cette photo a été prise en Chine dans un restaurant de Shanghai ; il s’agit de peau de tofu cuite dans une sauce de soja salée-sucrée. La peau de tofu est issue de la pellicule qui se forme à la surface du lait de soja lorsqu’on le fait cuire pour obtenir le tofu. Elle est déshydratée, vendue plate ou nouée, comme sur la photo. C’est très beau, et très bon, et en plus bourré de protéines. On la consomme beaucoup en Chine et au Japon où elle porte le nom de « yuba ».
– Le soyeux
Il est aussi souple que des œufs au lait, avec un léger goût de noisette. Mixez-le, il remplacera la crème dans des plats salés ou des desserts. En été, coupez-le en morceaux et servez-le, comme au Japon, très froid garni d’oignon nouveau en fines lamelles, de gingembre râpé et de « katsuoboshi » (bonite séchée râpée ou à râper, que vous pouvez trouver dans les épiceries japonaises), le tout arrosé de sauce de soja. Cette entrée classique s’appelle « hiyayakko » (tofu froid). Mais vous pouvez varier les plaisirs en ajoutant des algues « wakame » réhydratées, de fines rondelles de concombre ou de radis, des quartiers de tomates cerise, des grains de maïs, des lichettes de jambon grillé à sec… Quelques gouttes de jus de citron…
– Le ferme et extra-ferme :
Je le coupe en cubes de 1,5 cm de côté environ, que je laisse s’égoutter longuement (ce temps dépend de la texture du tofu, de 15 à 45 min) sur plusieurs épaisseurs de papier absorbant, en retournant les cubes. Bien sec, je le fais poêler dans un filet d’huile (olive peu fruitée ou arachide), sur toutes ses faces afin qu’il devienne croustillant, pendant 3 à 4 min environ. Vous pouvez aussi le fariner légèrement pour obtenir cette texture. Ensuite, amusez-vous pour créer votre recette : sur un riz blanc avec des légumes sautés et un filet de sauce de soja ; mêlé à une poêlée de légumes de saison ; assaisonné de gingembre frais râpé dans des crudités en vinaigrette ; comme des croûtons dans une salade de saison, avec des herbes fraîches et des graines de sésame ; ajouté à un curry de légumes…
8 Sep 2016
Élisabeth Scotto
L’huile d’olive, l’or de la Provence, Chêne 2012
Bonjour, Élisabeth Scotto, eau plate ou eau gazeuse ?
Eau légèrement gazeuse.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
Des pâtes aux oursins (je sais, ce n’est pas la saison !)
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Non, nous mangions beaucoup d’oursins en Algérie, où je suis née, mais nous ne les mangions que crus, aussitôt pêchés, aussitôt ouverts. J’ai découvert cette recette à Naples, hors-saison d’ailleurs… Le serveur du restaurant à qui j’en avais fait la remarque m’avait répondu : « Pas de problème… ». (On est à Naples, n’est-ce pas ? Donc tout est possible !)
Quel est votre parcours culinaire ?
Née les mains dans la farine – celle dont on fait la pâte fraîche ou les gâteaux –, je ne pouvais que finir dans la cuisine ! Bac + études de japonais par passion, et cuisine par accident : ma sœur ainée, Marianne Comolli, est devenue journaliste culinaire (elle aussi par accident) et toutes deux, rejointes ensuite par Michèle Carles (encore une sœur !), nous nous sommes lancées dans la création de recettes. Ce qui impliquait l’étude des classiques français (on ne peut construire sans fondations), à travers les livres et, en même temps, la mise en pratique dans nos cuisines respectives. Et les choses sont venues toutes seules : écriture de livres, créations pour la presse et, aujourd’hui, mon blog (elisabethscotto.com), qui me donne une liberté inouïe, que l’on n’a pas dans la presse – même si, on le sait, elle est libre…
Ce parcours a-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?
J’ai toujours aimé manger et faire (dans le sens fabriquer) la cuisine. Je dirai que mon parcours m’a ouvert les yeux sur le monde ! Française d’origine italienne, née en Algérie, j’avais dès le début trois cultures culinaires à ma disposition. Sans oublier les quelques Espagnols qui vivaient aussi dans mon village. Et en me passionnant pour la cuisine, j’ai très vite eu envie de découvrir celle des autres. La japonaise, bien sûr, si loin de nous et tellement extraordinaire. Et étudier la culture japonaise à l’INALCO m’a permis de « comprendre » un peu mieux cette cuisine. Donc… France, Italie, Algérie, Espagne, Japon. Pour commencer. Et ensuite, le monde entier. Car il y a « à prendre » (apprendre ?) dans toutes les cultures. Je ne connais pas le monde entier, loin de là. Mais aujourd’hui, il est tellement facile (merci Internet !) de découvrir ce que mangent nos voisins, proches ou lointains. Mais rien ne remplace les voyages pour découvrir les produits (aller au marché reste ma préoccupation première), les restaurants (du plus simple « bouiboui » au grand restaurant), les coutumes… Regarder les gens cuisiner et manger, c’est passionnant !
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
Il y a environ 40 ans à San Francisco, j’ai goûté mes premiers sushis. Je n’étais pas encore allée au Japon et, à Paris, je pense qu’il n’existait que Takara, un restaurant inabordable pour moi. Je connaissais la cuisine japonaise à travers mes études de japonais, et là je me retrouvais face à sa réalité. Et quelle magnifique réalité !
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?
La mobilité ? Vous voulez parler des migrants qui emportent leur pays dans un coin de leur tête et de leur cœur ? Le pain : c’est toujours la première chose que l’on partage. Dans les civilisations de peu, il y a toujours un morceau de pain auquel on ajoute, selon ses moyens, de l’huile d’olive, des olives, des oignons, du fromage, des tomates… Et l’on retrouve le pain tout autour de la Terre, son côté caméléon, qui le fait gonflé et joufflu, galette fine ou épaisse, boule cuite à la vapeur… Fait de blé, épeautre, seigle, maïs, riz, sarrasin, orge…
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
L’huile d’olive, sans aucun doute. Je dirais même LES huiles d’olive, tant elles sont diverses, de goût et de texture.
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
Un étoilé : L’Arpège, d’Alain Passard, pour son apparente simplicité.
Un restaurant « normal » : Papillon, de Christophe Saintagne, qui a quitté les grandes maisons pour ouvrir son lieu, joyeux, où l’on se sent bien dès la porte poussée.
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?
Question très difficile, il y en a tant et tant que j’aime !
Le tofu, qui a si mauvaise réputation ! On le dit sans goût, fade, sans intérêt. Outre son grand intérêt nutritionnel (demandez aux végétariens), comme le pain, il est caméléon. J’aime autant le tofu soyeux, à la douce texture, que le tofu ferme et même extra-ferme.
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble »
L’Homme est un animal social, estimait Aristote : si l’on n’apprend pas à vivre avec l’autre, que deviendra-t-il ? C’est une question d’éducation : apprendre dès l’enfance que le nouveau venu n’est pas l’ennemi mais, au contraire, une inépuisable source de découvertes. Mais il est vrai que les enfants acceptent plus facilement l’autre que nous, les adultes. Nous devons nous délester de la sale habitude de fermer notre porte à tout ce que nous ne connaissons pas. Peut-être cuisiner ensemble nous aidera-t-il à surmonter les difficultés de notre planète ?
8 Sep 2016
Sébastien Chambru
L’O à la bouche, Les éditions de l’épure, La Fabrique de l’épure 2012
Bonjour Sébastien Chambru, eau plate ou eau gazeuse ?
Bonjour, eau gazeuse.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
Mon plat du moment serait bien un confit de courgette et tomate avec beaucoup d’ail.
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Oui, c’est un plat que me faisait ma maman avec la cueillette du jardin, et il n’y a pas un été sans que je le mange
Quel est votre parcours culinaire ?
J’ai commencé dans ma Bourgogne, puis j’ai travaillé longtemps sur Lyon, étoilé, brasserie, restaurant classique. Puis je suis parti en Angleterre à Londres et Notthingam, une autre expérience dans un grand hôtel au japon pour l’ouverture d’un restaurant français. Puis la Suisse dans un palace au bord du lac avant de finir mon parcours dans le sud de la France pour découvrir la cuisine du soleil. Maintenant j’ai posé mes bagages à Fuissé, de retour en terre Bourguignonne.
A-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?
Oui bien entendu, je m’adapte toujours à la nourriture locale, le Japon m’a appris à manger du poisson cru par exemple.
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
Une vraie première fois fut il y a trois mois au Vietnam, je voulais gouter des insectes et mon beau-frère m’a fait servir des scorpions frits. Une carapace un peu dure surtout celle des pinces mais un goût assez doux. Belle expérience.
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?
Le pain.
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
Le pain.
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
Je mange très rarement au restaurant, mais ce serait sans doute celui d’un copain, d’un vrai cuisinier.
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?
L’œuf, pour la recette simplement poché ou cuit au plat, avec de la fleur de sel et un trait de vinaigre de vin. Tout simplement avec une tranche de pain de campagne bien croustillant
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble »
La cuisine est un endroit de partage, partage d’idées, de pensées, de moments de joies, de créations, d’horizon de chacun. Tous les jours nous nous ouvrons aux autres nous partageons avec eux, je pense que ma cuisine en tout cas où autour du respect de l’autre et de la cohésion le ‘vivre ensemble’ y trouve une belle définition.
8 Sep 2016
Chaos de sardines en escabèche blanche, drôle de rémoulade. Crédit photo Matthieu Cellard.
Sébastien Chambru
L’O à la bouche, Les éditions de l’épure, La Fabrique de l’épure 2012
Pour 4 personnes
Ingrédients
Drôle de rémoulade
-20 fines tranches de céleri boule
-1 jaune d’œuf
-30 g de moutarde fine
-10 cl d’huile de pépin de raisin
-1,5 cl de vinaigre de Banyuls
-1 cl de jus de citron jaune
Escabèche blanche
-16 belles sardines de Douarnenez
-15 cl de vin blanc
-8 cl de vinaigre de Banyuls
-10 cl d’huile d’olive
-2 gousses d’ail
-4 g de coriandre en graine
-2 g de poivre blanc en grain
-1 petite branche de thym frais
-1 feuille de laurier en feuille
-40 g d’échalote
-Sel, poivre
Finition, dressage
-quelques de feuilles de shiso
-quelques de feuilles de basilic
Préparation
Drôle de rémoulade
Cuire les fines tranches de céleri dans l’eau bouillante salée une vingtaine de secondes.
Rafraîchir à l’eau glacée.
Éponger, puis calibrer à l’emporte-pièce proprement.
Monter une mayonnaise très ferme et assaisonner avec le jus de citron.
Sur chaque tranche de céleri déposer un peu de mayonnaise puis rouler comme une cigarette.
Les filets de sardines et l’escabèche blanche
Gratter et laver les sardines, en prélever les filets et réserver sur du papier absorbant.
Laver tous les éléments aromatiques.
Émincer les échalotes et l’ail pour les faire revenir dans l’huile d’olive sans coloration.
Déglacer avec le vinaigre de Banyuls et laisser prendre l’ébullition pour y ajouter les herbes et les graines.
Incorporer alors le vin blanc sec,
laisser frémir 2 minutes environ et laisser refroidir à 40°C.
Saler et poivrer.
Verser la marinade obtenue sur les filets qui seront servis après 24h.
Finition
Éponger les filets de sardines, dresser chaotiquement avec ci et là les drôles de céleris, colorer avec les feuilles de shiso et de basilic. Arroser de quelques gouttes d’escabèche.