6 Juil 2016
Laurence Quélen
Cuisiner les bonbons, Editions OUEST-FRANCE 2014
Bonjour Laurence Quélen, eau plate ou eau gazeuse ?
Plutôt de l’eau plate pour accompagner un repas. Cela dit, avec par exemple une tenpura, ce serait une eau pétillante comme la Ventadour. Et pour l’interview, ce sera de l’eau gazeuse.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
La polenta (plat au sens italien de « primo piatto ») cuisinée sous toutes ses formes (crémeuse, frite…). Selon les pays et les régions, on trouve énormément de variétés : blanche pour précéder un poisson (comme à Venise), d’orge (comme en Sardaigne)… J’aime aussi cuisiner la semoule de blé comme de la polenta.
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Non, cela remonte à une vingtaine d’années. Je l’ai découverte selon les régions d’Italie où j’ai voyagé et j’en ai rapporté dans mes bagages.
Quel est votre parcours culinaire ?
En 2001, j’ai tout lâché pour préparer en alternance un CAP de pâtissier. Je suis ensuite devenue pâtissier de restaurant. J’ai aussi été cuisinier. En 2006, j’ai passé un CAP de boulanger, puis repris pendant 7 ans une petite boulangerie-pâtisserie, que j’ai rendue totalement artisanale, Le Pain de Voyage. Pendant tout ce temps, j’ai parallèlement rédigé quatre livres de cuisine, appris les rudiments de la chocolaterie… Je suis actuellement formatrice. Et je me passionne pour les plantes sauvages comestibles, mais là, je n’en suis qu’aux balbutiements…
A-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ?
Oui, bien sûr. Tout ce qu’on apprend nous modifie et on ne mange plus, on ne cuisine plus ensuite de la même façon.
En quoi ?
Je suis plus attentive au produit en lui-même. « Less is more »: les très bons ingrédients se suffisent presque à eux-mêmes. Et puis, dans l’art de la cueillette que je découvre, tous les repères sont modifiés. Il n’est pas nécessaire d’être riche pour acheter de bons ingrédients et il ne faut pas seulement des savoir-faire pour les cuisiner : ce sont d’abord de nombreuses connaissances qu’il faut mobiliser pour reconnaître les plantes, puis savoir à quel moment cueillir telle partie et surtout pas telle autre… On peut vraiment s’intoxiquer voire mourir… C’est un peu comme manger du fugu.
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
Le goût du Maroilles fondu dans une goyère, sur une base de pâte briochée, en arrivant dans le Nord, il y a 27 ans.
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?
Les gâteaux de voyage. Par exemple, la tarte de Compostelle (que je confectionnais parfois dans ma boutique), un gâteau de randonneur (ou de pèlerin) sans farine, très parfumé et qui se conserve incroyablement longtemps.
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
Du bon pain bio (au levain ou sur « poolish »).
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
A Lille : Pessoa pour de bons poissons, et Las Tapas entre autres pour les couteaux.
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous?
Loup au fenouil en croûte d’olives et de pastilles du mineur
La pastille du mineur. Un bonbon avec une histoire romanesque : au tout début du XXème siècle, une recette rapportée des Indes par les parents d’un officier anglais. Lors de la 1ère guerre mondiale, l’officier anglais confiera sa recette à la famille de boulangers qui l’héberge près de Tourcoing. Ce bonbon noir aux plantes ne contient pas de réglisse mais est coloré par le charbon végétal (très à la mode actuellement). Je la réduis en poudre et l’utilise comme une épice : dans du boudin noir, une tapenade, un gâteau au chocolat…
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble »…
Ça passe aussi par la cuisine : se nourrir (dans tous les sens du terme) des apports culturels des uns et des autres.
Plus sur Laurence Quélen :
– Le Maroilles (Éditions de l’Épure, 2003)
– Le Spéculoos (Éditions de l’Épure, 2009)
– La Violette (Éditions de l’Épure, 2013)
6 Juil 2016
William Chan Tat Chuen
Canard laqué / Canard au sang
Dialogue culturel entre les cuisines chinoise et française
Les Éditions de l’Épure, Paris 2016.
Recette tofu
C’est prêt en cinq minutes !
…« Le tofu 豆腐, le fromage de lait de soja, un de mes produits préférés. Il remonte à l’antiquité chinoise. J’aime à la fois sa saveur historique et son dépouillement. Il est fade ! Si vous le découvrez pour la première fois, je vous recommande de choisir un tofu soyeux juste accompagné de sauce de soja, d’huile de sésame avec en touche finale l’herbe fraîche de votre choix. C’est la manière la plus simple et la plus commune des chinois à déguster ce produit d’exception. »
-300g de tofu soyeux
-2 cuillères à soupe de sauce de soja
-2 cuillères à soupe d’huile de sésame
-½ botte de ciboulette/ vous pouvez opter aussi pour la coriandre
-Dressez votre tofu soyeux froid dans un plat
-Vu sa fragilité, découpez-le en tranche directement sur le plat
-Vous pouvez soit verser directement le mélange de sauce de soja et d’huile de sésame, ou le déposer au fond du plat pour garder la couleur blanche du tofu
-Parsemez de ciboulette ciselée pour la touche fraîcheur.
6 Juil 2016
Rencontre avec William Chan Tat Chuen
Canard laqué / Canard au sang
Dialogue culturel entre les cuisines chinoise et française
Les Éditions de l’Épure, Paris 2016.
Bonjour William Chan Tat Chuen, eau plate ou eau gazeuse ?
Pour cet après-midi, ce sera une eau gazeuse. Une Châteldon avec des fines bulles et douces.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
Ce sera un plat à base de canard : un confit de canard avec ses pommes de terre sautées à l’ail, un canard laqué avec sa peau croustillante et fondante, un magret de canard grillé avec une belle sauce béarnaise !
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Oui, j’ai eu la chance et le bonheur de déguster régulièrement ces merveilleux plats.
Quel est votre parcours culinaire ?
Un parcours culinaire riche. Je suis né à Madagascar, véritable carrefour des cuisines malgache, indienne, chinoise, française et créole ! J’ai été élevé et servi par cette farandole de saveurs dès mon plus jeune âge.
A-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?
Cette diversité de saveurs a construit mon apprentissage gustatif, mon appétence à découvrir toujours avec joie la cuisine des autres.
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
Mon père était pâtissier. Je revois encore cet après-midi où il m’apprenait à faire une génoise pour la première fois. Notre génoise était aérienne, savoureuse. Son secret ? Il utilisait les « atody gasy », les œufs pondus par les poules locales élevées en liberté.
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le plus la mobilité de l’humain de nos jours?
C’est certainement la street-food, des nourritures délicieuses qui se mangent la plupart du temps debout et en mouvement. J’ai le souvenir des samossas à New Delhi/ les baozi, petits pains à la vapeur farci à Canton / les crêpes bretonnes salées à Quimper / le mofo sakay, un beignet aux brèdes et piment à Antananarivo / un hamburger à New York.
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
Le sel, car aussi prestigieux que soit un produit, il a besoin du sel pour exprimer sa quintessence ! La vie est plus savoureuse avec le sel.
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
Aucune recommandation. Laissez-vous emporter par vos envies. Poussez les portes de tous les restaurants. Ne vous laissez pas influencer par les autres ou les critiques !
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette nous ?
Avec plaisir. Ce sera le tofu 豆腐, le fromage de lait de soja, un de mes produits préférés. Il remonte à l’antiquité chinoise. J’aime à la fois sa saveur historique et son dépouillement. Il est fade ! Si vous le découvrez pour la première fois, je vous recommande de choisir un tofu soyeux juste accompagné de sauce de soja, d’huile de sésame avec en touche finale l’herbe fraîche de votre choix. C’est la manière la plus simple et la plus commune des chinois à déguster ce produit d’exception. Pour 300g de tofu soyeux, il vous faut 2 cuillères à soupe de sauce de soja, 2 cuillères à soupe d’huile de sésame et une demi-botte de ciboulette. Dressez votre tofu soyeux froid dans un plat. Vu sa fragilité, découpez-le en tranche directement sur le plat. Vous pouvez soit verser directement le mélange de sauce de soja et d’huile de sésame, ou le déposer au fond du plat pour garder la couleur blanche du tofu. Parsemez de ciboulette ciselée pour la touche fraîcheur. Vous pouvez opter aussi pour la coriandre. C’est prêt en cinq minutes !
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble »
C’est la reconnaissance de l’autre dans sa différence, qu’elle soit ethnique, sociale, culturelle, religieuse, culinaire. C’est le respect mutuel de ces différences. La cuisine, la table (lieu de consommation et de partage) restent pour moi les meilleurs vecteurs de compréhension de l’autre. Lorsque les personnes parlent de cuisine, ce sont toujours des points de vue qui se complètent, toujours!
Plus sur William : www.positiveeatingpositiveliving.blogspot.fr
6 Juil 2016
Crédit photo Diane Rondot
Martine Camillieri, auteure de La princesse au si petit pois, Seuil Jeunesse 2016
Bonjour Martine Camillieri, eau plate ou eau gazeuse ?
Plate…j’aime aller de plus en plus vers la simplicité.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
Ce moment est le printemps… tout ce qui est vert et plein de vie…petits pois, pois gourmands, premiers haricots verts, salades, fenouil…
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Non c’est depuis que nous avons un potager que j’ai vraiment re-découvert les légumes verts de mon enfance. Mais au lieu de les cuisiner comme les faisait ma grand-mère, très cuits et au beurre, je mange mes haricots 10 mn après les avoir cueillis, al dente et avec un filet d’huile d’olive. Parfois je rajoute du sel.
Quel est votre parcours culinaire?
Un simple parcours de gourmande à bonne école avec d’un côté une grand-mère lyonnaise toujours aux fourneaux. De l’autre une mère avec une profession, maligne pour organiser de bons petits repas en semaine et de plus élaborés, avec mon aide et dans la joie, le dimanche. Aux Arts Déco tout mon travail a été axé sur le pain… Ensuite dans ma carrière de publicitaire j’ai beaucoup côtoyé l’agro-alimentaire, J’ai dit Stop le jour où j’aurais dû travailler sur Monsanto. En 2000, je suis devenue artiste un peu par repentir, me suis penchée sur notre quotidien, l’écologie, la biodiversité et j’ai entamé un combat pour que le comestible reste comestible. C’est à dire à la fois gourmand et sain.
A-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?
Oui bien sûr, car notre époque nous a délivré sans cesse des nouvelles alarmantes. J’ai fait un livre wildfood les nourritures féroces, une sorte de catalogue des nourritures à éviter et de gestes à oublier de façon à minimiser notre dose de poison quotidien admissible. Donc je cuisine plus, je m’organise (en souvenir de ma mère). Le dimanche je fais par exemple une soupe avec les légumes bios soldés du marché. Le premier soir je la mange nature avec un peu de beurre, le second soir avec une cuillère de pistou et le troisième soir je la mixe avec du fromage frais et j’émiette du jambon cru séché à la poêle. Une cuisson donne trois soupes différentes…. Je ne mange que locavore et donc des aliments de saison et pour retrouver les recettes des aliments qui poussent ensemble, je traque sur les vide-greniers les livres de recettes de grand mère qui n’auraient jamais eu l’idée de faire une bûche de Noël avec des fraises !
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
La béchamel sans aucun grumeau, je devais avoir 8 ou 9 ans. Pour moi qui jusqu’alors, léchais seulement les casseroles… j’étais enfin capable de réaliser ce met de choix… et me disais que plus tard je me ferai des petits plats juste de béchamel.
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?
Le pain. Nous voyageons beaucoup en Kmion avec mon compagnon et le premier ami qu’on rencontre dans un pays, c’est le pain. Les petites boules craquantes aux graines de courge ou pavot, du Nord ou d’Europe centrale. Le dense pumpernickel (noir) d’Allemagne. Le knäckebröd de Suède (craque-pain aux céréales genre Wasa), le kesra du Maroc. Les pitas (plates ou gonflées à farcir), pane, galettes, psomi, fougasses, du Sud. La ciabatta (savate en Italien), le pain plat, croquant, moelleux et savoureux qui sert au panini… Chaque fois, ce sont de vraies belles rencontres.
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
Pas d’aliment vraiment mais un ingrédient: l’huile d’olive. Avec ce produit je saurai bien manger partout.
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
J’aime beaucoup les petits restaurants vietnamiens, j’ai passé mon enfance en Asie, donc le Lao siam, entre autres (49, rue de Belleville, 75019). Ou sinon j’aime beaucoup Nanashi, le bento parisien, c’est simple, sain et gourmand (31, rue de Paradis – 75010 Paris). Hors Paris ce sont les restaurants qui ont leur propre potager qui me font rêver. La Chassagnette d’Armand Arnal à Arles, La Marine d’Alexandre Couillon à Noirmoutiers. Toutes les cuisines basées sur l’instantanéité…
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?
Alors le petit pois dans ma salade verte de printemps. J’émince sur des feuilles de salade coupées un peu de tout ce que j’ai de vert sous la main, courgette en lanière, fenouil, céleri, concombre, avocat, je cisèle persil et cerfeuil, j’ajoute une grosse poignée de petits pois crus… des petits trésors qui explosent dans ce vert tendre.
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble ».
Si au lieu d’un nom et prénom, on avait une recette qui nous représente… on aurait peut-être plus de joie à se rencontrer entre tous les peuples du monde.
Plus sur martine Camillieri : www.martinecamillieri.com
6 Juil 2016
Martine Camillieri
La princesse au si petit pois, Seuil Jeunesse Paris, 2016
Recette petit pois cru
«…les légumes bios soldés du marché… je ne mange que locavore donc de saison …le petit pois dans ma salade verte de printemps…J’ajoute une grosse poignée de petits pois crus… des petits trésors qui explosent dans ce vert tendre. »
-Des jeunes feuilles de salade
-Des billes de concombre, d’avocat
-Des fèves ébouillantées une minute puis déshabillées
-Des graines de courge rôties 1 mn à la poêle sèche
-De l’huile d’olive et du sel…
Et juste avant de servir je fais rouler une poignée de petits pois frais et crus !
Le petit pois est un légume joli et rigolo que j’aime écosser avec des enfants, c’est un joyeux souvenir de mon enfance. On pioche une cosse bien renflée, l’ongle se glisse dans son pli et hop ! … deux petites pirogues sont apparues, tous les rameurs sont en principe dans la même embarcation ! Ensuite il faut inviter ces petites graines vertes à quitter leur barque, ils sautillent et dévalent jusqu’au bol qui les récolte. Mais attention ! Lorsque l’un d’entre eux s’égare, il est vite pris et croqué tout cru comme une gourmandise !