Rencontre avec William Chan Tat Chuen
Dialogue culturel entre les cuisines chinoise et française
Les Éditions de l’Épure, Paris 2016.
Bonjour William Chan Tat Chuen, eau plate ou eau gazeuse ?
Pour cet après-midi, ce sera une eau gazeuse. Une Châteldon avec des fines bulles et douces.
Quel plat mangez-vous bien volontiers en ce moment ?
Ce sera un plat à base de canard : un confit de canard avec ses pommes de terre sautées à l’ail, un canard laqué avec sa peau croustillante et fondante, un magret de canard grillé avec une belle sauce béarnaise !
Avez-vous toujours mangé ce plat ?
Oui, j’ai eu la chance et le bonheur de déguster régulièrement ces merveilleux plats.
Quel est votre parcours culinaire ?
Un parcours culinaire riche. Je suis né à Madagascar, véritable carrefour des cuisines malgache, indienne, chinoise, française et créole ! J’ai été élevé et servi par cette farandole de saveurs dès mon plus jeune âge.
A-t-il plutôt influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?
Cette diversité de saveurs a construit mon apprentissage gustatif, mon appétence à découvrir toujours avec joie la cuisine des autres.
Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?
Mon père était pâtissier. Je revois encore cet après-midi où il m’apprenait à faire une génoise pour la première fois. Notre génoise était aérienne, savoureuse. Son secret ? Il utilisait les « atody gasy », les œufs pondus par les poules locales élevées en liberté.
Quel est selon vous l’aliment qui incarne le plus la mobilité de l’humain de nos jours?
C’est certainement la street-food, des nourritures délicieuses qui se mangent la plupart du temps debout et en mouvement. J’ai le souvenir des samossas à New Delhi/ les baozi, petits pains à la vapeur farci à Canton / les crêpes bretonnes salées à Quimper / le mofo sakay, un beignet aux brèdes et piment à Antananarivo / un hamburger à New York.
Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?
Le sel, car aussi prestigieux que soit un produit, il a besoin du sel pour exprimer sa quintessence ! La vie est plus savoureuse avec le sel.
Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?
Aucune recommandation. Laissez-vous emporter par vos envies. Poussez les portes de tous les restaurants. Ne vous laissez pas influencer par les autres ou les critiques !
Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette nous ?
Avec plaisir. Ce sera le tofu 豆腐, le fromage de lait de soja, un de mes produits préférés. Il remonte à l’antiquité chinoise. J’aime à la fois sa saveur historique et son dépouillement. Il est fade ! Si vous le découvrez pour la première fois, je vous recommande de choisir un tofu soyeux juste accompagné de sauce de soja, d’huile de sésame avec en touche finale l’herbe fraîche de votre choix. C’est la manière la plus simple et la plus commune des chinois à déguster ce produit d’exception. Pour 300g de tofu soyeux, il vous faut 2 cuillères à soupe de sauce de soja, 2 cuillères à soupe d’huile de sésame et une demi-botte de ciboulette. Dressez votre tofu soyeux froid dans un plat. Vu sa fragilité, découpez-le en tranche directement sur le plat. Vous pouvez soit verser directement le mélange de sauce de soja et d’huile de sésame, ou le déposer au fond du plat pour garder la couleur blanche du tofu. Parsemez de ciboulette ciselée pour la touche fraîcheur. Vous pouvez opter aussi pour la coriandre. C’est prêt en cinq minutes !
Pour finir, quelques mots sur l’altérité et le « vivre ensemble »
C’est la reconnaissance de l’autre dans sa différence, qu’elle soit ethnique, sociale, culturelle, religieuse, culinaire. C’est le respect mutuel de ces différences. La cuisine, la table (lieu de consommation et de partage) restent pour moi les meilleurs vecteurs de compréhension de l’autre. Lorsque les personnes parlent de cuisine, ce sont toujours des points de vue qui se complètent, toujours!
Plus sur William : www.positiveeatingpositiveliving.blogspot.fr