portrait

Valentine Tibère

101 chocolats à découvrir, Dunod 2014

Bonjour Valentine Tibère, eau plate ou eau gazeuse ?

Eau gazeuse, les bulles sont l’esprit de l’eau, du champagne -mais aussi et bien avant ces boissons- celui du chocolat des rois  mayas  qui se devait d’être recouvert d’une savoureuse écume.

Quel plat  mangez-vous bien volontiers en ce moment ?

Au Mexique, j’ai appris à apprécier le « cebiche », cette salade de poissons crus  aux saveurs iodées et épicées. Tout ce que j’aime, la fraîcheur de la mer et la chaleur des aromates !

Avez-vous toujours mangé ce plat ?

Non, c’est pour moi une découverte culinaire qui a marqué un tournant dans ma vie, celle de ma rencontre avec l’Amérique latine et le monde fascinant des mythes mésoaméricains de la création et du chocolat.  Le glyphe exprimant les mots « cacao «  et « chocolat » est un double poisson. C’est Vicente Gutierrez Cacep,  l’un de mes amis, producteur de cacao au Tabasco , qui l’a identifié. Il s’agit du « curucuco », un poisson chat énorme et bavard !

Quel est votre parcours culinaire ?

Ma mère et ma grand-mère faisaient de chaque repas  un moment particulier. Elles cuisinaient des recettes de leur terroir lyonnais, et des entremets tous les vendredis soirs, qui annonçaient le gâteau  attendu du dimanche.  J’ai donc pris la suite en cuisinant pour ma famille et mes amis. Pour le chocolat, je l’ai toujours aimé plus que de raison. Paradoxalement, j’aime surtout imaginer des recettes salées autour du chocolat.

A-t-il plutôt  influencé votre façon de manger, ou ce que vous mangez ? En quoi?

Mon métier de chocolatologue  m’a beaucoup appris au niveau de la dégustation. Il m’a rendu très sévère envers les substituts de  synthèse qui entrent dans la composition de tant de recettes industrielles, dans le chocolat comme dans n’importe quel mets. L’arôme vanille dans  les îles flottantes me gâche tout mon plaisir. Le même arôme dans une tablette de chocolat me fait l’impression d’un parfum frelaté ! J’ai appris à humer les aliments avant de les consommer et je repère un bon restaurant aux odeurs qui s’échappent des cuisines.

Pouvez-vous nous raconter une première fois culinaire (préparation ou dégustation) ?

Je me souviens encore du premier jour où j’ai dégusté une fève de cacao  « nacional arriba ». C’est une variété native d’Équateur qui était en voie de disparition à la fin du XXe siècle. L’un des premiers à s’y être intéressé est André Deberdt, fondateur de Kaoka et des premières tablettes bio-équitables.  Je l‘ai rencontré, il y a une petite vingtaine d’années au Salon du chocolat. Il tenait, comme un trésor, un petit sac des ces fèves, juste fermentées et séchées.  Elles avaient un parfum et une saveur ineffables de rose et de fleur d’oranger…

Quel est selon vous  l’aliment qui incarne le mieux la mobilité de l’humain de nos jours?

Cet aliment c’est bien sûr le chocolat. Il se consomme à tout âge, en toutes circonstances, au quotidien comme dans les moments de fête. Il finit actuellement de conquérir la planète en rentrant dans les foyers chinois qui vont très certainement le naturaliser en l’adaptant à leur patrimoine culinaire. Voilà des découvertes aromatiques en perspective.

Quel aliment vous ferait défaut aujourd’hui si vous deviez vous en passer pendant un an ?

Je consomme du chocolat en tablette tous les jours, alors un an sans chocolat,  je n’ose même pas l‘envisager ! je suis capable de parcourir une ville à pied pour trouver un petit morceau de chocolat !

Si on se fiait à vous pour nous recommander un restaurant ?

Un restaurant un peu lointain, mais juste fabuleux tant au niveau de la présentation que de l’éventail des saveurs : Corazon de Magey, à Mexico, quartier de Coyocan. On y sert même en guise de digestif un chocolat traditionnel à l’eau recouvert d’une mousse  de fines bulles.

Si vous deviez nous présenter un produit et en partager la recette avec nous ?

Une recette salée au chocolat, cela vans sans dire, même une simple tartine d’apéritif avec du fromage de chèvre du miel , des herbes aromatiques et des éclats de cacao grillés et encore tièdes !

Pour finir, quelques mots sur l’altérité et  le « vivre ensemble »

Chocolat rime avec partage et échange, aussi bien avec votre voisin qu’avec un producteur de cacao du bout du monde. Il vous apprend la tolérance, tant ses critères d’appréciation diffèrent, même en Europe.  Mais la passion du cacao est identique partout dans le monde !