Long métrage
En salle!
De Stéphanie Pillonca-Kerven
Film sorti en France le 18 janvier 2017 et adapté de l’ouvrage Fleur de Tonnerre de Jean Teulé aux Editions Julliard
Avec Déborah François, Benjamin Biolay, Jonathan Zaccaï, Féodor Atkine et Christophe Miossec
Crédit photos Estelle Chaigne – JPG Films – Nexus Factory – Umédia
On nous raconte l’histoire d’une cuisinière pas ordinaire.
Hélène Jegado, née en 1803 en Bretagne, est la plus grande empoisonneuse de France. Issue d’une famille de cultivateurs aux revenus modestes, elle est orpheline de mère à l’âge de 7 ans, et placée comme domestique chez le curé de Bubry. Par la suite, elle sillonnera le Morbihan au gré de ses emplois de cuisinière ou d’apprentie. Près de 20 maisons bourgeoises ou de presbytères l’emploieront en l’espace de 18 ans. À chaque fois elle est renvoyée ou s’en va précipitamment sans explication. Le « malheur » semble poursuivre cette femme car partout où elle passe les gens trépassent. En 1951, alors qu’elle entre au service de M. Bidart de la Noë, un avocat expert en affaires criminelles et professeur à la faculté de Rennes, celui-ci l’arrête après la mort par empoisonnement à l’arsenic de plusieurs de ses servantes. Femme pieuse et dévote, elle confessera avoir empoisonné cinquante personnes. Son avocat plaidera la folie mais elle est guillotinée à Rennes sur le champ de mars.
La réalisatrice Stéphanie Pillonca retrace le parcours de cette jeune femme de manière stylisée et sensible. Elle montre que dès l’enfance la petite fille est spéciale : elle a un rapport étrange à la nature, cette si belle nature bretonne. Elle ramasse des baies rouges et en met dans le plat de sa mère. C’est ainsi que celle-ci meurt. La petite fille serait alors obsédée par la mort et fascinée par l’étrange pouvoir qu’elle détient sur les autres à la découverte de sa capacité à tuer en nourrissant. Dès lors, on voit apparaître un personnage complexe qui semble beaucoup aimer cuisiner pour les autres en même temps qu’elle se sert de ce savoir faire pour éliminer son prochain sans réel but en soi que celui de mettre fin à des vies. Cette cuisinière itinérante entretient donc un rapport à la vie et à la mort plus qu’ambiguë. Car si elle aime nourrir pour faire vivre les autres, elle est enchantée de recourir au poison pour leur ôter la vie.
La jeune comédienne Déborah François est remarquable. Elle a à la fois un visage d’ange et un visage de démente quand elle semble entendre l’Ankou, ouvrier de la mort et être surnaturel légendaire de Bretagne. Son obsession paraît inexplicable. Néanmoins c’était au temps où l’esprit des lumières et le catéchisme n’avaient pas soumis l’imaginaire populaire aux lois de la raison et du Dieu unique. Partout en Bretagne, dans les forêts et les landes, couraient les légendes les plus extravagantes. Le soir, au creux des fermes, on évoquait les manigances d’êtres surnaturels qu’on savait responsables de la misère et des maux. La petite Fleur de Tonnerre a dû être frappée par ces histoires au point de croire être la réincarnation de l’Ankou. La comédienne a de plus suivi des cours de cuisine avec le chef Jean Imbert pour faire les bons gestes de cette femme qui aimait vraiment cuisiner. Alors qu’elle tuait tout le monde, homme comme femme, enfant comme vieillard, Fleur de Tonnerre n’a jamais été soupçonnée. C’est une jeune femme qui savait toujours se présenter comme la meilleure des cuisinières et la plus indispensable des gouvernantes, démontrant toujours de la compassion au chevet des mourants. Si bien que personne ne chercha à découvrir ses desseins monstrueux.
Bien au contraire, on plaignait cette personne si parfaite que seule la malchance pouvait conduire dans des familles au destin funeste.
L’atmosphère de l’époque est très bien rendue dans ce film où les paysages bretons sont magnifiques. On saisit bien le rapport important qu’entretient la nourriture avec la vie.
Par la nourriture, nous pouvons cesser ou continuer de vivre.